Second met

Lisabelle avait eut quelques difficultés à se défaire de Ferdinand après le départ de Laurent, mais rien qui ne la retienne bien longtemps, elle avait fini par parvenir à lui échapper et regagna donc son poste auprès du prince de Suède. Elle frappa à la porte de ses appartements d'un geste calme et y pénétra quand on vint lui ouvrir. Quand la veille elle avait semblait si expressive, c'était aujourd'hui une statue de glace qui se montrait devant le prince.

Vêtue de cette même tenue bleue nuit que la veille au soir, son regard était fuyant et sa mine sombre. De plus, pour un oeil avisé, il aurait été certain qu'elle avait pleuré. Aussi elle espéré que le prince ait la courtoisie de ne pas fondre dans ses failles contrairement à ce qu'il avait pu faire la veille au soir.

- Bonjour votre Altesse. J'espère que la nuit fut bonne... Demain, sa Majesté organise en votre honneur une chasse... Mais aujourd'hui, d'autres affaires requièrent son attention. Dont l'attaque de la nuit dernière. Sécuriser Paris est une des priorités de sa Majesté. Aussi, souhaiteriez-vous faire quelque chose ?

Elle aurait lu ce qu'elle venait de lire qu'elle y aurait mis la même intonation, c'est à dire aucune. Elle était éteinte et agissait donc par devoir seulement.

Après le départ du brigadier la veille, sur une phrase qui lui avait donné à réfléchir, Théodore avait longuement médité allonger sur son lit en contemplant le plafond de ses appartements. Puis, il s’était finalement assoupi jusqu’aux premières heures de la matinée, lorsqu’Edward avait jugé temps de l’éveiller. Après un copieux petit-déjeuner, le prince s’était soucié de l’état de santé du soldat Suisse blessé la veille, et avait demandé qu’on lui porte une petit bourse pleine de louis pour sa peine. Prenant un bain, il s’était ensuite vêtu avec une simplicité naturelle, s’attachant ensuite à enrichir sa correspondance, et rassurer ses parents sur la mésaventure de la veille – tout en leur contant son arrivée à la Cour de France.

On lui annonça bientôt l’entrée du brigadier chargé de sa sécurité. Le prince pinça les lèvres en le voyant entrer, l’observant calmement sans comprendre le vide de son regard – lui qui semblait aussi décidé la veille. Le prince fit une moue avant de se redresser avec calme, un sourire aux lèvres en s’approchant du soldat. Posant une main sur l’épaule qui n’avait pas été atteinte, les yeux rieurs.

« J’ai ma petite idée sur la question. Prenez cela comme… un remerciement de ma part. Et vu votre mine, vous avez besoin d’un bon remontant. »

Il le conduisit dans la pièce attenante où plusieurs filles de mauvaises vies attendaient déjà, discutant entre elles, riant également. Edward et Mark s’étaient acquittés de leur mission avec zèle pour éviter à leur prince de ressortir pour satisfaire son idée.

« Je vous en prie, joignez-vous à nous. Vous pouvez choisir celle que vous voulez »

Que pouvait vouloir un jeune garçon après avoir failli se faire ôter la vie à cause d’une balle qui ne lui était pas destiné ?

Lisabelle n'avait pas bronché en sentant la main du prince sur son épaule, elle n'avait pas même cillé, elle se mordit la langue en l'entendant, voulu reculer mais déjà il l'entrainait après lui dans la chambre attenante, sans lui laisser le temps de trouver une bonne excuse, une occasion de fuir. Ecarquillant les yeux en voyant que ce qu'elle avait imaginé une ou deux catins était une orgie, elle pinça les lèvres, regardant le prince sans comprendre où il voulait en venir dans un premier temps, tout était allé bien trop vite pour elle ce matin là.

Sentant que le jeune homme venant d'entrer avait besoin d'un peu d'aide, pour se sentir à l'aise, une des filles s'approcha de lui, sourit au prince avant de se glisser dans le dos du soldat, effleurant son torse dans de languissantes caresses... Un geste qui souligna la forme légèrement galbée d'un sein avant que Lisabelle n'ait le temps de se défaire de son emprise. La repoussant dans un geste de défense plus que de refus, le soldat recula, pinça les lèvres :

- Inutile Votre Altesse. J'ai agis par devoir. Non pour les honneurs... Si vous voulez bien m'excuser... Je... Je veillerais à ce que l'on ne vous dérange pas...

Théodore se sentait d’humeur particulièrement généreuse, et estimait que cette récompense était bien au-delà de ce que pouvait espérer un homme ayant sauvegardé la vie d’un prince. Toutefois, le jeune ne sembla pas enchanté, même lorsqu’une somptueuse courtisane aux formes aguicheuses vint se glisser derrière lui pour venir le dérider un peu. Mais au contraire, ce ne fut pas le cas, et le brigadier se dégagea si vivement que cela fit sursauter le prince qui s’écarta quelque peu, fronçant les sourcils en constatant l’embarras du soldat.

« Ce n’était pas pour moi. Quand je suis dans une Cour où les femmes se pâme pour un titre ou un nom, je peux me priver des services de ces dames. Mais ne me dites pas que vous n’avez encore jamais eu l’occasion de profiter de ces plaisirs ? Vous êtes jeune, certes mais… »

Il haussa les épaules en regardant les dames faire une moue, retournant à leurs occupations tandis que les deux hommes quittaient à nouveau la pièce pour regagner la pièce principale avec le bureau et les sofas.

« A dire vrai, je vous croyais en convalescence aujourd’hui. Malgré ce que dont nous avons… discuté hier. »

Il sortit deux coupes, servant du vin avant de tendre un verre à l’officier face à lui.

« Et ne me dites pas que vous n’avez pas le droit pendant le service. Je ne quitte pas cette chambre. »

Lisabelle avait quitté la pièce avec soulagement, rapidement. Ne s'attendant pas à être suivie par le prince visiblement attendu. Elle se mordit la langue en comprenant qu'il allait lui servir un verre de vin, se rappelant, ou plutôt ne se rappelant pas, de la dernière fois qu'elle en avait bu. Ce n'était pas affaire de service, l'alcool et elles étaient deux vieux ennemis. Aussi, si le prince anticipa son refus, elle insista :

- Je ne bois pas votre Altesse... Le vin me monte bien trop vite à la tête...

Elle se mordit la langue, remarquant que la courtisane avait eu le temps plus top de défaire son col, elle se réajusta alors précipitamment, affirmant :

- Mais je ne voudrais pas vous priver de vos coutumiers plaisirs... Surtout pas... Permettez-moi seulement de m'éclipser. Je resterai devant votre porte en cas de besoin...

Elle allait d'ailleurs s'y employer... Mais quand elle tourna le dos au prince, il pu remarquer la tache brune sur son épaule, la plaie s'était ré-ouverte durant sa dispute avec Laurent.

Esquissant une moue à moitié contrariée – mais pas réellement surprise – Théodore vida le premier verre de vin avant de commencer à siroter le second, observant le brigadier agir de bien étrange façon. Fébrile, il se rhabillait, comme s’il craignait quelque chose, et tenta de s’échapper de la pièce en trouvant une excuse relativement attendue de sa part. Visiblement cet homme avait un problème à régler avec sa virilité. Mais alors que le prince allait laisser le soldat s’éloigner, le jeune homme remarqua la blessure qui s’étendait sur son épaule, traversant le vêtement bleu nuit aisément. Théodore pinça donc les lèvres.

« Retournez vous asseoir brigadier, cette fois c’est un ordre. »

Déjà que cette blessure était de son fait, il ne pouvait décemment pas le laisser partir au risque de courir à l’infection. De plus, le visage morose du soldat l’intriguait, et c’était sans doute l’occasion de lui poser des questions sur ce qui semblait tant le préoccuper.
Le prince alla chercher une bassine d’eau qu’il transporta dans la salle principale, obligeant manu militari le jeune brigadier dont il ignorait le nom à s’installer dans un fauteuil.

« Il faut ôter votre veston, et votre chemise. Vous saignez. »

Lisabelle ne ressentait pas la douleur, trop préoccupé spirituellement pour se préoccuper de son corps qui de toute manière n'était qu'une entrave à la nature. Elle sursauta donc quand le prince lui ordonna de s'asseoir, d'un ton sans appel. Pinçant les lèvres en imaginant qu'il tenait à insister pour le verre de vin, elle s'approcha donc d'un fauteuil et y prit place, surprise de le voir chercher un baquet d'eau, il comptait faire quoi ? Lui passer la tête sous l'eau froide ?

Les véritables motivations du prince la firent passé de pivoine à blême et aggripant son col pour le maintenir, elle tenta de le dissuader :

-Je vais m'en occuper, bien votre Altesse... Mais retrounez à vos amis, je vous en prie. Je ne suis qu'un soldat... Et j'ai l'habitude vous savez...

Elle ne savait pas comment se sortir de se traquenard, elle comprenait que s'était inévitable... Mais comment réagirait-il ? Serait-elle à nouveau traînée à terre comme une vulgaire usurpatrice ? Jetée au pied du roi ? Demanderait-il sa tête ? Elle se mordit la langue. Elle ne pouvait rien faire, seulement attendre qu'il réalise la vérité et tenter alors de sauver le peu d'honneur qu'il lui restait. En tant qu'homme, ou que femme, quelle importance ?

Théodore s’était agenouillé devant lui, une attitude étrange pour un prince. Il planta son regard sombre dans celui étrangement bleuté du brigadier. Un regard qui le fit frémir légèrement bien qu’il ne comprit pas réellement pourquoi. Il pinça les lèvres en le voyant resserrer les pans de son col autour de sa nuque, visiblement bien décidé à ne pas le laisser agir à sa guise. La voix du prince se fit pourtant décidée.

« Vous n’êtes pas qu’un soldat. Vous être celui qui m’a sauvé la vie. Et si je ne peux me charger de cela, je ne suis pas digne de mon rang. »

Le prince écarta fermement les mains avant de commencer à déboutonner le veston, l’aidant à l’ôter avec calme avant de soudainement se figer dans son geste. Abasourdi. Il marqua un temps d’arrêt en apercevant le renflement de la poitrine sous la chemise. Une poitrine qui ne pouvait tromper personne, encore moins un homme tel que lui. On aurait pu s’attendre à de la stupeur, de la colère. Ce ne fut pourtant que de la surprise dans le regard du prince qui se figea d’abord dans son geste avant de l’observer longuement.

« Eh bien brigadier, je comprends mieux maintenant. »

Il découpa une de ses chemises, les trempant dans l’eau avant de venir le poser doucement sur l’épaule de la jeune femme qui avait pris une balle pour lui. Une femme. Désormais, il évitait son regard, mais ne disait rien de plus. Sans voix, sans mot pour décrire la situation actuelle. Il se contentait alors de nettoyer la plaie comme il l’aurait fait si le soldat était resté un homme à ses yeux.

Lisabelle s'était mordue la langue, à court de mots pour échapper à son destin, elle n'avait opposée qu'une maigre résistance au prince qui avait fini par comprendre de lui-même la raison de toute ces étrangetés. Elle s'était mordue la langue à sang, détournant le regard et baissant le menton, elle ne pouvait attendre que sa pitié, sa grâce... Et la surprise passé, ce pouvait être une tempête qui se déversait sur elle... L'emportait, la noyait... Elle ferma les yeux pour tenter de demeurer aussi calme que possible, ne voulant pas faillir quand viendrait son jugement.

Mais la voix fut douce... Et des linges fraichement humide vinrent se poser sur son épaule à nue alors qu'elle maintenait pudiquement le reste de sa chemise, silencieuse, ne disant rien, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Ne s'étant pas attendue à cela. Elle n'osa pas briser le silence, pesant, qui s'était installé entre le prince et la femme soldat. On aurait pu entendre une mouche voler... Jusqu'à ce que :

-Pardonnez moi votre Altesse...

C'était tout ce qu'elle avait à dire. Demander pardon. Il était son juge, il pouvait être son bourreau. Elle était à sa merci.

Théodore continuait d’appliquer calmement des linges sur son épaule, essuyant le sang qui s’échappait par filet de son épaule, observant avec inquiétude la blessure avant de s’assurer que tout irait bien. Le silence restait pesant entre eux, mais le prince n’eut aucun geste envers elle, ni aucune parole malveillante. Il y avait une forme d’admiration dans le regard de cet homme qui n’avait jamais rencontré une femme comme celle qui se tenait devant lui. Solide. Décidée. Lui parlant sans détour.

« Pourquoi vous pardonnez ? Vous n’avez nul besoin de demander mon pardon. Vous m’avez sauvé. Et vous êtes un excellent soldat. Qui suis-je pour vous reprocher votre choix ? »

Il esquissa un sourire léger en nouant un bandage de fortune autour de l’épaule de la jeune femme, puis déposa le veston sur ses épaules pour préserver sa pudeur, rassuré de comprendre pourquoi ce regard bleuté lui avait causé tant d’émoi. Comprenant toute l’étrangeté de ce personnage, jusqu’à sa jeunesse et ses traits étrangement féminins. Restant agenouillé devant elle en la scrutant avec attention, il eut un sourire amusé

« C’est moi qui devrait m’excuser. Pour le spectacle de la veille, et pour la proposition de ce matin. Je comprends mieux votre effroi maintenant. »

Le prince soupira avant de lâcher : « Vous ne devriez pas détourner les yeux, et être fière de ce que vous êtes. Personne ne devrait avoir honte de pouvoir choisir sa voie. »

Lisabelle s'était s'était laissée faire sans broncher ou protester, ce n'était pas une vilaine blessure, juste une égratignure. Elle n'était pas inquiète puisqu'elle pouvait - avant le bandage - bouger normalement son bras sans douleur. Elle fut rassurée de sentir le tissus épais de son veston sur ses épaules, regardant alors le prince avec surprise.

Sa tolérance était inhabituelle. Elle se mordit la langue pourtant en détournant rapidement les yeux dès qu'elle croisa son regard, l'écoutant avec attention alors qu'il parlait de choix. Mais qu'elle choix avait-elle fait ? On avait fais ces choix pour elle, elle avait obéie et suivit la voie que l'on lui traçait. D'une voix faible, elle demanda :

- Avez vous choisi d'être prince votre Altesse ?

Elle ne tirait aucune fierté de ce qu'elle était, elle ne savait même pas ce qu'elle était. Mais contrairement à ce qu'il disait, quelques soient ses choix, de rester homme ou de devenir femme, elle avait toujours honte.

- Vous ne pouviez savoir... Et je... Je... Je suppose que vous allez demandez un autre homme pour veiller sur vous... Je... Je vous recommande Laurent de Flone... Un brave mousquetaire. Il saura vous être de meilleure compagnie que moi qui plus est...

Elle avait abandonné son armure, ce qui n’avait rien de déplaisant – bien au contraire – mais qui semblait inhabituel pour une femme de sa trempe. Théodore s’assit donc à côté d’elle après avoir débarrassé les lambeaux de chemises qu’il avait utilisé pour l’épaule de la jeune femme, la scrutant avec calme avant de répondre avec franchise.

« Je n’ai jamais rien choisi dans mon existence, encore moins le fait d’être prince ou roi. Pourtant, des personnes tueraient pour obtenir ma position. Au fond, je crois que l’on ne peut jamais être réellement satisfait de ce que l’on est. »

Il soupira en comprenant qu’elle n’avait pas plus choisi ce destin que lui avait décidé du sien. Où serait-elle alors ? Mariée ? Un enfant en route ? Quel choix était le meilleur ? Et pourquoi devaient-ils toujours dépendre des choix de leurs parents ? Il soupira longtemps, hésitant avant de lâcher.

« Parfois, j’aimerai être certain que ma place dans le monde, que l’amour de mes amis et de mes proches, n’est pas feint en raison de ma position. Être prince, c’est de la solitude. Tout comme être femme au milieu d’autres hommes je suppose. »

Il la comprenait sans doute mieux que beaucoup, même s’il ne pouvait se prononcer sur cet état de fait. Pourtant, il la voyait enfin. Non pas comme une créature mystérieuse, mais comme un être à part entière dont il répugnait à se détacher.

« Demandez quelqu’un d’autre ? Vous vous moquez. Je crains m’être habitué à vous, toutefois il me serait plaisant d’obtenir un nom de votre part brigadier… ? »

Lisabelle l'observa du coin de l'oeil dans son rangement, le laissant finalement prendre place à côté d'elle, s'était étrange d'être là, à discuter ainsi, aussi librement, avec un prince. Elle n'en fit pourtant pas la réflexion, en cet instant, auprès d'elle, il était homme, non prince. Il se livrait à elle avec plus d'assurance qu'elle n'en mettait à se livrait à lui et cela lui était rassurant quelque part, connaître l'homme derrière le rang pompeux et les hypocrites courbettes.

Et justement, il y vint, la solitude... Quand il supposa qu'elle vivait également très seule et isolée, elle ne put qu'opiner. Laurent était un ami cher, d'autres étaient de plus simples amis, mais jamais elle ne pouvait les accompagner s'amuser, se lier plus avec eux. Elle n'avait qu'un seul contact véritable, celui, paternel du premier valet qui, quand on connaissait un peu combien il était occupé, était aussi important qu'absent pour elle. Un prince devait connaître cela à une tout autre échelle, toujours entouré, toujours apprécié, et pourtant sans jamais pouvoir montrer le moindre signe de faiblesse au risque de se faire happer. Pour lui révéler cela, il devait lui faire confiance bien qu'elle reste pour lui une inconnue.

Finalement, l'incitant sans doute à briser son propre silence, il lui demanda son nom, lui apprenant qu'il ne demanderait pas après quelqu'un d'autre pour sa sécurité, malgré leur accrochage de la veille, malgré son manque de conversation... Il lui sembla qu'elle le regardait pour la première fois quand elle leva les yeux vers lui, un timide sourire, au combien sincère aux lèvres, en lui répondant :

- Liam.. Non... Lisabelle de Saverne... Votre Altesse.

Pour la première fois depuis longtemps, Théodore se sentait libre. Libre de converser avec une jeune femme, libre de dire tout ce qui lui pesait sur le cœur depuis des années et des années à faire croire que tout allait bien dans sa vie morne et triste. Les femmes étaient son exutoire. Et pourtant, là en sa présence il ne pouvait plus penser convenablement ne cessait d’observer ses traits résolument féminin. Comment avait-il pu croire qu’elle était un homme ? Il avait été aveuglé par l’uniforme et les conventions.

Pourtant, quand un sourire vint orner ses lèvres et que ses yeux rencontrèrent les siens il comprit instantanément qu’il lui appartenait. Son cœur rata un battement bien qu’il tenta de faire bonne figure en assimilant son nom. Lisabelle. Lisabelle de Saverne. Il opina en souriant à son tour.

« Enchanté mademoiselle. Théodore. Théodore Vasa. »

Il lui tendit alors sa main, comme s’il s’agissait de leur première rencontre. Pour l’une, en tant que femme. Pour l’autre, en tant qu’homme. Ils n’y avaient plus qu’eux alors dans la pièce, deux personnes qui pouvaient enfin se révéler aux yeux du monde tels qu’ils étaient réellement.

La jeune femme, assise sur dans le fauteuil observa la main tenue du prince avant d'y poser la sienne, elle avait la sensation que le temps s'était arrêté entre eux, le regardait en silence. Elle sourit doucement, murmurant :

- Enchantée de vous connaître...

Elle sera doucement ses dents sur les siens avant de les retirer, ne sachant trop comment agir en vérité.

L'enchantement était sincère, réel. Il était né de quelques mots, de quelques gestes, d'un sourire. Il n'avait eu besoin ni de passé ni de séduction. Lisabelle se sentait troublée au plus profond d'elle même par l'homme qu'elle avait à ses côtés, non le prince, l'homme. Et elle aurait sans doute tout donné pour qu'il ne soit que cela....

Elle sursauta quand la porte s'ouvrit sur un Edward inquiet de la disparition de son pupille durant tant de temps, resserrant son veston autour d'elle un peu plus en espérant qu'il ne verrait rien. Se redressant d'un bond.

- Je vous remercie votre Altesse pour vos soins... Je... Je vais retourner à mon poste...

Elle prit soin de tourner le dos à l'ombre princière en se rhabillant alors que celui-ci demandait à son pupille si tout allait bien d'un regard insistant, prêt à rosser ce soldat si il l'avait à nouveau secoué parce que c'était bien ce qu'il semblait. Il n'avait jamais vu son ami dans un tel état.

Ses doigts serrèrent doucement les siens dans un frisson léger alors qu’il ne cessait de l’observer, de la contempler dans ce qui n’avait rien d’une tenue féminine. Et pourtant, Théodore ne voyait qu’elle soudainement, comme un instant figé dans le temps. Brisé par cet imbécile d’Edward qui visiblement s’inquiétait sincèrement pour lui. Le prince se redressa en pinçant légèrement les lèvres, détournant son attention de la jeune femme en tenue légère qui se rhabillait alors pour reprendre son visage d’homme.

La magie, toutefois, n’était en rien brisée. Le serait-elle un jour ? Il l’ignorait. Frappé de plein fouet par un sentiment qu’il n’avait jamais encore expérimenté alors et qu’il avait bien du mal à définir. Il s’empressa donc de rassurer son Ombre.

« Oui. Oui. Tout va pour le mieux. Le brigadier et moi parlions d’une femme. D’une femme exceptionnelle, comme on en croise que rarement dans son existence. »

Il sourit à son ami, frappant doucement son épaule dans un geste sincère avant de ramasser les morceaux de tissus, raccompagnant ensuite Lisabelle jusque-là porte en posant une main dans son dos.

« Je réitère, mais cela me plairait que vous preniez un peu de repos. »

Lisabelle avait rapidement remit sa chemise correctement avant de refermer son veston, entendant les mots du prince qui lui firent monter le rose au joue alors que, l'espace d'une second, elle croisait son regard, la question de la sincérité ne se posait pas entre eux, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, Lisabelle n'aurait jamais cru ses mots prononcés par un autre.

Pourtant il était prince...

... et elle soldat.

Cela ressemblait étrangement à un conte chevaleresque... Dans lequel on aurait inversé les rôles.

Après avoir rassuré Edward qui s'était donc détendu et restait à l'écart, il la raccompagna, effleurant son dos dans un geste tendre qu'elle laissa faire cette fois-ci. Mais quand il lui demanda de prendre du repos, l'inquiétude ravit son coeur, elle le regarda, terrifiée à l'idée de ne plus le voir alors.

Détournant bien vite les yeux, elle opina pourtant :

- Je devrais sans doute... Oui...

Si elle ne pouvait se battre, elle ne pouvait le protéger et dès lors... Mieux valait qu'elle s'éclipse pour sa sécurité. Elle soupira, s'inclina légèrement, résignée à le perdre...

Les deux jeunes gens restaient à l’écart, à la fois dans la chambre et les appartements princiers, incapables de trouver la force de se séparer avec leurs mots de plus tôt. Théodore hésita en la voyant baisser les yeux. Le geste de trop. Il tendit la main pour relever doucement son menton vers lui, plantant son regard dans le sien.

« Vous devriez, toutefois je ne sais si je le veux. »

Le prince ôta doucement sa main, continuant de la regarda. Evidemment, il s’inquiétait pour son épaule. Pour cette balle qu’elle avait osé prendre pour lui et qui aurait pu lui prendre sa vie. Toutefois il y avait quelque chose d’ardu à l’idée de se séparer d’elle, même pour quelques minutes, quelques heures. Théodore dû se faire violence pour ne pas venir chercher un autre contact, s’empressant d’ajouter.

« Restez. Vous ferez mieux votre travail au plus près, pas à la porte. Et s’il y a une chasse demain, vous devriez nous accompagner – du moins si votre épaule le permet… Je l’espère. »

Lisabelle le regarda quand il releva doucement le menton, ce geste ne dura pas, juste assez pour qu'Edward comprenne enfin son erreur et les laisse alors seuls...

Elle le regarda alors, opina quand il lui demanda de rester, approuva quand il supposa qu'elle les accompagnerait à la chasse. Elle ne le quitterait pas d'une semelle...

- Bien... Théodore...

Seuls, elle n'avait pas eu le coeur de l'appeler par son titre honorifique... Cela aurait été trop douloureux de ce rappeler qu'elle n'était rien quand il était tout. Son tout.

Elle se surprit à se demander ce que lui aurait dit de sa robe... Mais surtout, est-ce qu'il la trouvait jolie ? Telle qu'elle était ? Est-ce qu'elle lui plaisait ? Elle ne parvenait pas à le dire, se sentant aveuglée par ses sentiments qu'il avait éveillé en un claquement de doigt.

Elle sourit doucement, se mordant la langue en se rappelant les prostituée dans la pièce voisine.

Théodore ne pensait déjà plus à Edward, ni aux autres femmes qui attendaient dans la chambre d’à côté. Elle avait prononcé son nom avec un naturel qui l’enchanta, et qui lui arracha un sourire sincère qui étira l’ensemble de son visage.

« Merci Lisabelle. »

Il n’y avait personne auprès d’eux. Personne pour venir troubler leur quiétude et leurs tendres confidences même s’ils étaient la veille que d’illustres inconnus l’un pour l’autre. Et pourtant, elle était devenue son univers en l’espace d’un seul et unique instant.

Le prince l’attira donc à nouveau à l’intérieur de la pièce, refermant la porte derrière eux alors qu’ils étaient à nouveau seuls. Edward ne devait pas être loin, sans doute en train de se poser mille et une questions à propos de ce brigadier si particulier. La relâchant, il lui fit donc signe de s’installer avant d’ouvrir la porte d’une pièce annexe, donnant plusieurs recommandations à son ombre et meilleur ami, notamment de débarrasser les appartements des autres personnalités. Il retourna bientôt auprès d’elle, s’asseyant à ses côtés.

« J’imagine que vous paraitrez en tant que Liam demain… ? »