Winter's Bal

Le jour du grand bal royal était arrivé, une journée spéciale pour les deux anglaises – en particulier pour Lisabelle – puisqu’il s’agissait de son premier bal en tant que femme. Elle serait Lisabelle de Saverne, protégée de l’ambassadeur d’Angleterre, et nul doute qu’elle attirait tous les regards. Depuis, les révélations de la semaine précédente, les deux jeunes femmes n’avaient cessé de parler discrètement du nouveau rang de Lisabelle, et Elsa s’était employé à lui enseigner ce qu’il fallait savoir sur l’historique des Stuart. Elle se révéla une préceptrice de qualité. Toutefois, elle essaya en ce jour particulier de la détendre un peu.

Restant entre elles, Elsa avait veillé à tenir à l’écart les Suédois le temps des préparatifs. Quelques jours plus tôt une couturière était venu faire deux robes pour les jeunes femmes. La coupe identique, mais les tissus différents. L’anglaise avait – pour sa part – adoptée un vert d’eau délicat qui soulignait la pâleur de son teint et l’éclat de son regard. Elle allait sans doute faire impression, mais elle faisait déjà partie du décor. Pour Lisabelle, ce serait sans doute différent. Les deux jeunes femmes prirent donc le temps de se vêtir, serrant les corsets avant de finalement s’installer pour se coiffer et se parer.

Au moment où Elsa avait passé un bracelet en diamant autour de son poignet, un valet fit son appartition en s’inclinant profondément.

« Mademoiselle de Saverne ? Un cadeau de Sa Majesté Théodore de Suède. »

Il tendit alors un paquet qu’Elsa saisit avant de le renvoyer en l’échange d’une pièce. Puis posa la boîte sur la coiffeuse de Lisabelle, impatiente de la voir ouvrir.

« Un cadeau, voilà qui est adorable... »

Elles ignoraient encore que la boîte contenait deux boucles d’oreilles chacune ornée d’une topaze. Les boucles d’oreilles qui irait avec la bague qu’il comptait lui offrir à la fin de la soirée. Des indices, semées le long de son chemin...

Lisabelle se faisait lentement à l'idée, acceptant cette naissance qui pourtant ne lui avait jamais été révélé, tentant d'apprendre à tenir son rang avec autant de dignité que possible, surtout quand plus rien ne s'opposait à son mariage avec Théodore à présent, du moins le pensait-elle.

Pour ce soir là, les préparatifs avaient été soignés, elle portait une robe dans les tons crèmes et bruns. Elle avait désiré quelques chose de discret. Une simplicité faisant ressortir son charme naturel. chose qu'elle avait réhaussé d'un collier auquel tenait une pierre bleu, de taille modeste mais suffisante pour sublimer sa tenue. Et quel bon choix Bientôt on vint lui apporter un cadeau, du Prince Théodore. Souriante, elle découvrit avec ravissement les deux boucles d'oreilles... Elle était ravissantes... Elle en écarquilla les yeux. Il n'y avait qu'un détail...

- Elsa... Je n'ai pas les oreilles percées...

L'idée de ne pouvoir les mettre au bal la terrifiait soudainement. Elle se mordit la langue.

- Il faut faire arranger cela... Tu saurais t'en charger ?

Elle l'implorait du regard, prête à demander à n'importe qui de se charger de cette besogne qu'elle aurait fait elle même si elle n'avait pas craint une erreur de sa part.

Toutes deux pressées autour de la boîte où rayonnait les deux bijoux, Elsa avait les yeux qui pétillaient. Quelle chance elle avait, d’avoir un prétendant aussi attentionné et aux goût aussi sûr ! La couleur irait à ravir avec le teint et la robe de Lisabelle, et elle ne pouvait qu’imaginer le visage ravi du prince en constatant que son cadeau avait fait mouche. Du moins, avant la révélation de Lisabelle qui marqua un temps d’arrêt à leur émerveillement.

Elsa soupira : comment n’y avait-elle pas pensée ? Entre ses jeux d’épée et son éducation masculine, elle n’avait pas eu le temps de se faire percer les oreilles. Aussi, l’anglaise avait opiné vivement en se détournant pour chercher quelque chose dans sa boîte à couture. Une aiguille aiguisée qu’elle désinfecta avant de s’approcher, s’asseyant doucement à ses côtés.

« Cela sera rapide. A peine douloureux. Ma nourrice s’en est chargé, le jour où je suis devenue une femme, et je ne m’en rappelle qu’à peine. »

Elle sourit, inspira calmement en écartant une mèche de cheveux pour dévoiler l’oreille droite. Puis, d’un geste sec elle la transperça. S’empressant de venir presser un linge pour contenir les quelques gouttes de sang, elle attendit, ordonna à la princesse de maintenir le tissu pendant qu’elle faisait la seconde. Quelques instants plus tard, c’était fait. Elsa se montrait d’une efficacité redoutable.

« Je ne te conseillerai pas de porter des boucles d’oreille tout de suite. Tu risques d’avoir mal, Son Altesse pourrait le comprendre. »

Lisabelle l'avait laissé faire. Elle n'avait pas cillé en serrant les dent mais ce n'était pas une petite piqûre d'aiguille qui allait la faire grincer des dents. Elle avait connu tant d'aiguille pour ses sutures qu'elle s'en moquait bien.

Quand elle eu finit, elle regarda sous le linge qu'elle pinçait pour contenir les quelques petites gouttes de sang, observant le résultat. Elle regarda Elsa, écarquilla les yeux :

- Il n'est pas question que je ne les porte pas... Je ne veux pas qu'il pense qu'elles ne me plaisent pas. Elles sont ravissantes... Mais mettons un peu d'alcool dessus... Ca devrait suffire. Et ne t'inquiètes pas. J'ai connu pire.

Elle lui fit un clin d'oeil avant de s'exécuter, les passant prudemment toutefois, mal habile.

Elle sourit en observant pourtant le résultat, la regarda, aux anges.

Elsa avait poussé un soupire en l’entendant dire. Cela ne l’étonnait pas. Lisabelle était si attachée à plaire à son bien-aimé qu’elle se moquait bien de souffrir pendant quelques minutes. La jeune femme fit une moue.

« Je savais que tu allais dire cela, tu es têtue comme une mule. Mais soit. Cependant, je te garderai à l’oeil ce soir. Et si tu souffres trop, j’irais les ranger dans notre chambre pendant la soirée. »

Cela devrait suffire à la convaincre, et de rassurer Théodore sur l’effet de son cadeau sur le coeur de sa fiancé. De plus, Elsa ne serait guère gênée de quitter ces mondanités plus tôt, un malotru la poursuivant de ses assiduités depuis qu’elle était parue à la Cour. Toutefois, elle espérait pouvoir voir Edward en privé, afin de lui annoncer que Lisabelle était bel et bien au courant de sa véritable nature désormais.

La jeune femme se pencha alors que Lisabelle, arrangea les boucles d’oreilles qui lui allait à merveille. Elle était magnifique, et cela le prince ne pourrait que le voir. Elle espérait ainsi que leur bonheur serait complet, en officialisant leurs fiançailles ce soir – même si Elsa n’avait pas encore pu voir le jeune homme se rendre auprès du duc de Norfolk. Mais peut-être avait-il agit en secret ? Elle ne le saurait que ce soir.

« Tu es splendide, il n’aura d’yeux que pour toi, j’en suis certaine. »

Lisabelle la regarda en lui souriant, opina, elle se releva pour embrasser sa joue.

- Merci Elsa... Pour tout... Je te dois tellement... A toi. Mais aussi à ton père...

Elle soupira, se regardant une dernière fois dans le miroir, tentant de se convaincre des paroles de son amie. Elle n'était pas vilaine non, c'était vrai.

Elle la regarda à nouveau, prenant sa main dans la sienne :

- Allons-y...

Elles prirent alors le chemin des festivités ensembles. Elles étaient radieuses, l'une comme l'autre et attirèrent plusieurs regards alors que Lisabelle, parmi la foule présente ne cherchait qu'une visage, que deux yeux, ayant hâte de retrouver Théodore.

Théodore était anxieux. Après s’être habillé pour la soirée dans un vêtement sobre qui mettait en avant sa carrure agréable, le prince avait longuement observé les boucles d’oreille acheté la veille dans une bijouterie de la ville. Pouvait-il réellement lui envoyer, alors qu’il n’était pas certain de pouvoir honorer ses engagements ? Ses parents ne lui avaient pas encore octroyé leur accord, émettant quelques réserves sur la naissance de la jeune fille – toutefois sa mère était ravie de savoir qu’il avait enfin trouvé quelqu’un qui avait éveillé son coeur à l’amour. Une nouvelle encourageante, mais pas suffisante pour officiellement lui demander sa main.

Finalement, les trois princes s’étaient rendus à la fête. Quelques dames observaient la délégation avec intérêt – un intérêt capté par Mark qui s’éloigna bien vite pour être au centre de toutes les attentions. Mais Théodore s’était placé à l’écart, prenant un verre en guettant l’arrivée de Lisabelle, essayant de la repérer dans la foule ou bien devant la porte d’entrée.

C’est là qu’elles apparurent toutes deux, les deux amies de fortune, magnifiques dans leurs robes similaire et en même temps si différente. Ses pupilles noisettes se braquèrent sur la française, tandis qu’il se détendit en apercevant son cadeau. Elle n’en avait pas prit ombrage, voilà qui était un soulagement.

En la voyant, son visage s’éclaira d’un sourire, et il ne tarda guère à fendre la foule pour s’empresser de la retrouver. Évidemment, on laissa le passage au prince de Suède en se demandant pour quelles raisons il se précipitait de la sorte. Mais lorsqu’il s’inclina légèrement devant la jeune femme dont beaucoup ignoraient le nom, tous comprirent. Le sourire aux lèvres, il posa un baiser sur le dos de sa main en la couvant du regard.

« Mademoiselle de Saverne, vous êtes magnifique ce soir. »

Les boucles d’oreilles qu’il lui avait offert lui allait à ravir, et elle lui faisait l’honneur de les porter en cette soirée. Il salua Elsa avant de lui proposer son bras avec douceur.

« Je suis ravi que vous soyez là. »

Lorsqu'elle avait croisé le regard de Théodore, le visage de Lisabelle s'était mis à rayonner. Elle s'inclina avec calme pourtant quand il s'avança à leur rencontre, le laissant poser un baiser sur sa main alors qu'il la complimentait.

- Je vous remercie, Votre Altesse, de m'adresser de tels compliments... Vous êtes vous même très élégant.

Quand il lui proposa son bras, elle jeta un regard à Elsa, pouvait-elle y aller ? Quand elle eu reçu son approbation, elle posa sa main sur le bras du prince, se laissant alors guider parmi les convives.

-Je suis moi aussi heureuse de vous revoir ce soir... Comment vous portez vous ?

Edward les observait au loin, en cet instant, Lisabelle avait tout d'une reine, et d'une Stuart et tous s'en seraient aperçus si Henriette d'Angleterre n'usait pas tant de fards. Le couple royal qui formerait serait superbe. Il regarda Elsa, qui restait seule alors, s'avançant à elle. Ce bal marquait aussi en quelque sorte la fin de leur séjour puisque le lendemain commencerait les préparatifs pour leur départ.

Le temps était venu, qu'elle le souhaite ou non, de révéler la vérité. Il marchait calmement quand il aperçu un noble s'approcher de la belle anglaise. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait autour d'elle mais il ne le laissa pas faire pour autant, proposant son bras à la jeune femme :

- Mon prince vous privant de votre amie, me permettriez vous de vous tenir compagnie ?

Elsa était donc restée à l’écart, hochant la tête en laissant les deux amoureux se retrouver. Les jeunes gens étaient radieux, resplendissant, et ils feraient à n’en point douter l’un des couples royal les plus enviés et les plus admirés à travers l’Europe. Et à ce moment, Elsa pourrait se targuer d’avoir permis ce mariage en dévoilant la naissance cachée de la belle princesse anglaise.

Les laissant à leurs discussions tout en essayant de les garder à l’œil, la fille de l’ambassadeur se retrouvait seule au milieu des courtisans. Elle n’en voulait guère à Lisabelle de l’abandonner ainsi au profit du Suédois. Après tout, il était prince, et elle éprouvait pour lui des sentiments qui n’avaient rien de répréhensible. Elle espérait simplement pouvoir s’éclipser suffisamment tôt, certes à l’aise dans ce type de festivités, mais loin de se montrer une courtisane des plus assidues.

L’éclat d’un uniforme la rappela à l’ordre, et la vision de son poursuivant lui tira une moue ennuyée alors qu’elle cherchait à l’esquiver de la manière la plus courtoise possible. Fort heureusement, Edward fit une apparition salvatrice, ce qui permit à l’anglaise de s’emparer de son bras bien avant même qu’il ne le propose, l’attirant alors un peu plus loin tout en conservant le jeune couple de visu.

« Dieu merci, vous êtes un ange ! J’ai bien cru devoir subir à nouveau les assiduités de cet officier… Et de plus, je souhaitais vous parler. »

Un valet passa à côté d’elle, et Elsa s’empara alors d’une coupe de champagne où elle trempa les lèvres avant de poursuivre.

« Lisabelle sait. Je lui ai tout dit. »

Edward fut surpris de la voir ainsi saisir son bras avant de se faire entraîner un peu plus loin. Pinça les lèvres alors qu'elle lui expliquait la raison de cet empressement, qui n'avait pas vraiment à voir avec lui en particulier. Ce dont il fut déçu mais il ne s'en offusqua pas. La laissant prendre une coupe de champagne pour retrouver un peu contenance. Il comprenait bien qu'après la mésaventure de Lisabelle, elle ne soit pas vraiment encline à ce genre de choses rapprochement forcé.

Quand elle lâcha alors la nouvelle, il écarquilla les yeux, la regarda, soulagé pourtant :

- Vraiment ? Moi qui allais vous presser de lui révéler la vérité... J'espère qu'elle n'a pas mal prit la nouvelle ?

Théodore lui en serait aussi heureux que soulagé. Il n'aurait alors plus aucune hésitation à avoir à lui demander sa main de manière grandiose et officielle.

La jeune fille trempa ses lèvres dans son verre avant de le regarder, secouant légèrement la tête alors qu’Edward s’inquiétait de la réaction de Lisabelle concernant cette révélation d’importance. Elsa esquissa alors un sourire en haussant négligemment les épaules.

« Elle a fait preuve de la plus grande contenance, puis nous avons mené quelques recherches et apporté quelques ajustements à son éducation. Cela veut tout dire. Elle souhaite l’épouser monsieur de Winter, et pour cela elle est capable d’accepter ce rang qui lui était jusque là inconnu. »

Pour l’amour d’un homme qui le lui rendait bien. Elle enviait cette facilité à trouver la bonne personne, elle qui jusque là n’avait eu affaire qu’à des rustres, ou à des jeunes gens qui n’avaient jamais réussi à faire battre son coeur. Mais Théodore et Lisabelle s’était trouvé, et ils s’étaient reconnus l’un dans l’autre. Et bientôt, ils seraient fiancés, de cela elle était sûre. Un éclair de mélancolie passa dans son regard, qu’elle chassa aussi vite qu’il était apparu.

« Voilà, maintenant que plus rien ne s’oppose à leur union, je suppose que vous partirez rapidement. »

Edward la regarda, l'écoutant avec attention. Oui elle avait raison. Pour accepter cette situation, il fallait vraiment qu'elle l'aime. Et il en était soulagé. Mais en effet, cela signifiait que plus rien ne s'opposait à leur départ.

- Sans doute oui...

Il se mordit la langue, regarda l'officier qui le toisait plus loin. Ce qui lui donna la force de poursuivre :

- Et vous ? Ne rentrerez vous pas chez vous ? Vous vous plaisez en France ?

Il ne savait comment aborder la question. C'était délicat...

Qu’il serait étrange de devoir les quitter, se dit-elle. Ils formaient tous les cinq une drôle de bande, mais ils étaient parvenus à nouer quelques liens ces-dernières semaines. Comment faire autrement, au vu des circonstances ? Ils avaient échappés à une chasse sauvage, à une agression, puis avaient fini par révéler la véritable nature d’une princesse qui s’ignorait, Un fort programme. Et ils continueraient tous les quatre en la laissant derrière eux, la petite anglaise, simple fille d’un ambassadeur qui n’avait plus rien à offrir sinon ses maigres sourires.

Alors elle sourit en opinant, alors qu’il annonçait leur probable départ. Un sourire un peu triste malgré tout alors qu’elle répondait :

« Disons que je n’ai guère d’autre choix que de m’y plaire. J’ai une place ici, même si la Duchesse d’Orléans ne m’apprécie guère. »

Elle esquissa une petite moue en voyant Henriette plus loin, proche du roi, mais préféra vite revenir à son interlocuteur, reposant bientôt son verre vide sur un plateau qui passait par là. Elle continua dans un sourire amusé, presque taquin :

« Et comme votre prince a sa princesse, vous n’aurez plus besoin de subir ma présence durant leurs entrevues. »

Edward vit passer quelque chose sur son visage, de la tristesse ? De la nostalgie ? De l'inquiétude ? Il ne savait pas et fut bien trop désarmé par son sourire pour parvenir à démêler cette histoire. Suivant son regard jusqu'à la duchesse d'Orléans, il eut une moue :

- Pourtant je pense votre place bien plus légitime auprès d'une autre Stuart... Et vous me manqueriez bien plus que vous ne pouvez l'imaginer ou qu eje ne parviendrais à l'exprimer.

Il se mordit la langue, détourna le regard, jetant un oeil à la ronde comme pour chercher à fuir la conversation, ne sachant visiblement plus comment poursuivre sa déclaration.

- Mademoiselle... Je sais ne pas mériter votre affection... Mais sachez que la mienne vous est acquise... Et que j'aimerais que nous puissions faire plus ample connaissance... Bien que nous manquions de temps pour cela ici...

Si au départ les paroles maladroites d’Edward ne lui causèrent pas grand émoi, Elsa commença petit à petit à assimiler, et à pâlir de plus en plus. Seigneur, c’était donc vrai ? Lisabelle avait vu ce qu’elle-même n’avait pas su repérer chez le soldat Suédois. Une véritable affection qui aujourd’hui se muait en déclaration. D’un geste sec elle ouvrit son éventail pour tenter de garder contenance, visiblement troublée par les paroles du jeune homme devant elle.

« Monsieur… »

Pour la première fois depuis longtemps, l’anglaise se retrouvait à court de bons mots pour parvenir à masquer son embarras. Et pourtant, il y avait déjà eu plusieurs hommes qui s’étaient trouvés à lui faire des avances. Toutefois, cette fois-ci, cela lu paraissait plus concret, plus réel. Puisqu’à mi-mot il lui demandait de quitter la France, son père et ce qu’elle connaissait pour la Suède. Pour Lisabelle. Et pour lui.

« Je ne sais que vous répondre. C’est assez inattendu... »

Elle referma son éventail, un rire nerveux perçant ses lèvres.

« Et moi qui vous croyait attiré par les catins et les écervelées, je ne sais comment prendre votre intérêt. »

Edward la regarda, elle ne lui ria pas au nez, elle sembla même confuse. C'était plutôt bon signe de ce qu'il savait. Puis il lui cette remarque, presque cinglante. Il la regarda, ne sachant quoi répondre avant d'expliquer :

- Je n'ai jamais fais que suivre mon prince dans ses déboires. Mais je puis vous assurer que je suis un homme des plus posé et qui ne demande que d'avoir une épouse, son épouse... Celle qui suffira à combler sa vie.

Il se mordit la langue, soupira avant de rire nerveusement :

- Et les écervelait sont bien trop ennuyantes, elles manquent de piquant et de conversation. De caractère aussi bien souvent. Hors... Vous n'avez jamais hésité à me tenir tête, ce que j'admire chez vous.

Visiblement sa dernière remarque – faussement nerveuse – avait touché juste. L’homme sembla confus avant de finalement se lancer dans une explication plutôt inattendue. Le suivre dans ses déboires ? Qu’est-ce qui pouvait le lui prouver ? Edward était un individu plutôt secret, difficile à appréhender, et même si avec elle il laissait parfois tomber la carapace, il était ardu de lire en lui.

« Monsieur, vous ne me connaissez à peine, et il en est de même pour moi. Comment pouvez-vous croire que je suis celle qu’il vous faut ? Parce-que je sais vous tenir tête ? Bien des hommes considéreraient cela comme un grand défaut. »

Et c’était vrai. Une femme était belle, faisait des enfants et devait passer le reste de sa vie à se taire en faisant la plante verte à côté de son mari qui entretenait dix maîtresses et une centaine de bâtard. Et Elsa s’était promise de ne pas avoir cette vie là.

« Je ne veux pas être la femme que l’on promène dans les salons, ou que l’on oublie lorsque sa taille s’épaissie à cause de ses grossesses successives. Je veux être une femme aimée, et aimer en retour, et même si cela semble aberrant je n’abandonnerai pas ce rêve. »

Elle soupira après ce monologue teinté de passion, se mordit la langue en plantant son regard dans le sien.

« Pardonnez ma franchise, monsieur, mais je préfère que les choses soient claires entre nous avant que vous ne songiez à faire une véritable demande. »

Edward lui prêta une oreille attentive, l'écoutant avec attention, la laissant monologuer sur le mariage tel qu'il était et pourtant tel qu'elle le désirait.

Il soupira quand elle eut terminé sa tirade, la regarda :

- Elsa. J'ai plus de responsabilité qu'un capitaine de la garde. Je recherche une femme capable de pouvoir me permettre de les abandonner à ses côtés. Et j'envie votre passion et votre détermination... J'aimerais avoir ce luxe que vous vous octroyez.

Il planta son regard dans le sien calme.

- Toutefois, je vous demanderais d'observer que je vous ai proposé de suivre votre princesse. Non ma personne. Et que je vous ai seulement exprimé ma volonté d'apprendre à mieux vous connaître. Dites-moi si j'ai tort ?... Vous êtes la seule de nous d'eux à parler de mariage encore... Déjà.

« N’essayez pas de me prendre au dépourvu, c’est bien à cela que vous songiez, même si vous ne comptiez pas me le demander encore. Déjà. »

Elle n’avait pas détourné le regard, droite et fière bien que ses joues rosissant devant la juste remarque du soldat. Quelle sotte, elle s’était emportée, et c’était comportée comme une idiote. Mais qu’importait, elle ne devait pas faire ressentir son malaise, et s’en sortait plutôt bien. Esquissant une ultime moue, elle enchaîna

« Et c’est vous qui parliez d’épouse. Pas moi. Toutefois, je crains ne pouvoir abandonner ma princesse aux mains de vos rudes manières monsieur de Winter, aussi – si cette proposition semble acceptable à mon père – il se pourrait que je suive ma dame en Suède. Et que nous puissions apprendre à nous connaître. »

C’était une promesse, le début de quelque chose, d’un avenir qui pouvait s’esquisser. Pourtant, Elsa craignait de quitter la France et le giron paternel pour une terre inconnue dont elle ne connaissait que faiblement la géographie, la généalogie, et la langue. Elle allait devoir se renseigner.

Edward eut une moue, après tout, il avait bien compris qu'elle n'aimait pas être contrariée. Aussi, il n'insista pas plus sur la question du mariage sans pourtant s'incliner totalement, sans l'approuver.

Il sourit pourtant quand elle lui annonça qu'elle demanderait à son père de suivre Lisabelle. Et qu'elle lui faisait la promesse d'apprendre à le connaître.

Il s'inclina alors, embrassant sa main doucement, sans se faire insistant un seul instant :

- Je vous remercie mademoiselle... Je... Je devrais sans doute aller informer son Altesse de la situation... Vous devriez rester encore quelques minutes... Si vous souhaitez éviter certaines compagnie, vous n'avez qu'à retourner auprès de Mademoiselle de Saverne.

Il lui sourit, un sourire entendu, un regard complice, lui proposant son bras. Après tout, ils iraient rejoindre le couple qui était inséparable dès qu'ils en avaient l'occasion.

La guidant dans la salle jusqu'à eux, il s'inclina, s'excusant de déranger mais demanda à emprunter Théodore quelques instant. Pour raison politique d'importance...

- Cela ne peut attendre Théodore... Sinon je l'aurais fait, insista-t-il.

Après l’accord d’Elsa Théodore et Lisabelle s’étaient éloignés, papotant entre eux sur des sujets divers et variés bien que le regard du prince sur la française ne trompait personne. Il ne pouvait s’empêcher de l’admirer.

Sa poche lui pesait, et il ne savait s’il s’agissait de la bonne décision pour son Royaume, pour l’avenir. Il savait qu’il l’aimait, mais comment aller à l’encontre d’un quart de siècle de convention ? Il l’ignorait encore et Théodore s’employait donc à évoquer des sujets bien moins triviaux que le mariage ou les fiançailles.
Théodore s’apprêtait à lui proposer une danse lorsque soudain l’ombre apparu, avec la belle Elsa a son bras qui semblait en proie a un certain trouble. Interrogeant Edward du regard, à la fois sur la présence de l’anglaise et sur son interruption, celui-ci expliqua la raison de sa venue. Esquissant une moue, il insista. Et le prince fronça les sourcils avec agacement.

« Très bien », soupira-t-il, prenant délicatement la main de Lisabelle pour y poser un doux baiser. « Je reviens aussi vite que possible mademoiselle. »

Il s’éloigna donc, posant une main ferme sur l’épaule d’Edward qui visiblement prenait un malin plaisir à l’interrompre lors d’entrevues importantes avec Lisabelle. Toutefois, à la mine de son ami il ne pu que constater qu’il s’agissait de quelque chose de réellement important. L’entraînant à l’écart de la foule, sur une terrasse où ils étaient plus tranquille, le prince s’appuya contre la balustrade, croisant les bras sur son poitrail en regard son ami :

« Que se passe-t-il Edward ? Est-ce grave ? »

Théodore était à mille lieux de songer à ce qu’Edward pouvait lui révéler, et qui ferait son bonheur pour le reste de la soirée.

Edward avait été soulagé que Théodore accepte. Laissant Elsa et Lisabelle seules après s'être furtivement incliné à leur intention, il se laissa entrainer par Théodore. Il sentait sa main ferme sur son épaule et savait ce qu'il devait en cet instant lui trotter en tête.

Arrivé sur le balcon, il incita les rares personnes s'y trouvant déjà à déserter les lieux avant de fermer la porte vitrée, le regardant alors avec calme et sérieux, il sourit bientôt :

- Non Théodore, ce n'est rien de grave. C'est même une excellente nouvelle. Ne m'interromps pas avant que je n'ai fini, je t'en prie...

Il prit une profonde inspiration, cherchant par où commence :

- Comme je m'y étais engagé, j'ai mené mon enquête sur Lisabelle de Saverne... J'ai questionné, fouiller, espionné même. Et notamment sa nouvelle amie qui elle aussi, à ma grande surprise, enquêtait sur elle. C'est à Elsa de Norfolk que revient la gloire de cette découverte. Mais loin d'être une espionne... Théo, Lisabelle de Saverne est en réalité princesse d'Angleterre et elle devrait même en être reine puisque c'est la fille du fils aîné de Charles Ier. Rien ne saurait s'opposer à votre union désormais...

Il lui souriait alors qu'il lui tendait le papier prouvant la véracité de ses propos.

Désormais seuls sur le balcon, les deux jeunes hommes pouvaient discuter avec plus de liberté. Théodore dardait son regard sombre sur Edward, qui mit bientôt fin à son attente, lui ordonnant de ne pas l’interrompre. Esquissant une moue. L’ombre connaissait bien son ami, toujours prompt à prendre la parole lorsqu’il n’y était pas invité.

Puis, il l’écouta. Et alors la sentence tomba : une princesse ? Lisabelle ? Mais comment ?

S’emparant du papier vivement, le parcourant du regard avec appréhension, il pu constater qu’Edward disait vrai. Cela semblait trop beau, et pourtant, il ne demandait qu’à y croire. Repliant calmement le papier, le rangeant dans son veston, il prit appui sur la balustrade pour encaisser le choc, et le soulagement qui l’accompagnait. Plus rien ne pourrait les empêcher de se marier, puisqu’ils étaient du même monde, du même rang. Toutefois, il s’en voulait d’y accorder tant d’importance, alors que son amour était vrai. Pur. Dénué d’intérêt.

« Seigneur, c’est donc vrai. » Il jeta un regard à travers la vitre, apercevant la silhouette de sa future fiancée – du moins si elle acceptait sa proposition. « Est-elle au courant ? Dois-je le lui annoncer ? »

Si elle ne savait pas, ce serait sans doute un choc pour elle. Si elle savait, elle lui avait alors dissimulé la clé de leur bonheur. Voilà une situation complexe qui fit passer une ombre sur le front du prince qui réfléchissait, sortant la bague de sa poche, effleurant l’écrin.

« Est-elle prête pour cela ? »

Edward le laissa parcourir le document et le garder en sa possession. Il s'approcha de la balustrade, prenant appuie à ses côtés pour pouvoir discuter calmement, d'ami à ami. Son devoir s'arrêter là.

- Elsa le lui a révélé depuis votre dernière rencontre... Elle sait oui à présent. Je devais attendre qu'elle soit au courant pour t'en parler. Si tu dois blâmer quelqu'un c'est moi, certainement pas elle.

Il soupira en observant les deux amies qui discutaient dans la salle, surveillant du coin de l'oeil l'officier qui semblait attendre le moment idéal de fondre sur sa proie.

- Je ne sais pas si elle réalise ce que ça implique véritablement. Elle a grandi si loin de tout cela, ce doit être assez déroutant je pense pour elle. Mais Elsa a pu m'assurer que pour toi, elle était prête à tous les sacrifices. Ce qu'elle a déjà prouvé je crois.

Il ne pouvait qu'imaginer la douleur d'être mise à pied pour la jeune femme, elle avait été rejetée après des années de loyaux services, comme si cela ne comptait pas. Pourtant, il ne l'avait jamais entendu ni s'en plaindre ni montrer sa peine. Elle était fière certes. Mais surtout, Edward le pensait, elle avait fait ses choix.

Théodore tourna son visage vers son presque frère, ayant abandonné toute malice ce soir là, terriblement sérieux tandis que ses doigts se refermaient nerveusement sur la boîte entre ses paumes. Il opina en l’entendant.

« Je le comprends, je ne l’aurai sans doute pas traité de la même façon sinon, elle aurait remarqué des changements. Cela valait mieux. Attendre. »

Il soupira avec anxiété, se redressa légèrement en voyant les deux jeunes filles a à peine quelques pas de là. Elles étaient jeunes, elles étaient belles, le monde se ploierait devant elles si elles l’exigeaient. Et pour Lisabelle, il était prêt à tout pour réaliser son bonheur. Même s’il devait la laisser derrière pour cela.

« Je ne veux pas l’enfermer dans un mariage, elle qui est si différente. Mais je ne peux pas m’en séparer non plus, et il y aura tant de choses à faire une fois notre retour prononcé. »

Pour la première fois dans sa courte existence, Théodore perdait confiance en lui-même, alors que son avenir se jouait dans les prochaines secondes. Sa superbe laissée quelques instants de côté alors qu’au côté de son plus proche ami il pouvait se permettre de dévoiler ses failles. Et si finalement elle refusait ? Malgré les cadeaux acceptés, les gestes échangés ? Si elle prenait peur ?

« Si elle refuse, je ne m’en remettrai pas. »